Les Surdoués low cost

Une fois de plus, nous nous étions retrouvés dans une impasse sans précédent. Un de ces moments pas forcément rare où on ne sait donc ni avancer, ni reculer. Dans cette société mutagène, certains tentaient de dénouer les fils entre la raison et la déraison. Et, au cœur de tout ça : l’improbable intellect qui réclamait à corps et à cris une nouvelle reconnaissance.

Ainsi naquit HP, le Haut Potentiel. Celui-là même qui se situe au-delà des autres car il est Haut mais sans pour autant user de son pouvoir car il est Potentiel. Ce qui revient à dire qu’il est tout à fait envisageable qu’il reste un imbécile toute sa vie parce qu’il n’aura pas l’opportunité d’user de sa potentialité.

[Paragraphe à la Didier Barbelivien] Un haut potentiel, c’est un peu comme un smartphone avec lequel on ne fait que téléphoner. C’est un peu comme acheter un robot de cuisine mais ne consommer que des plats préparés. C’est un peu comme un X-Man qui reste à l’école de Xavier pour apprendre la couture. C’est un peu comme une chaudière à condensation dans le désert de Gobi. C’est un peu comme un pot de mayonnaise qu’on laisserait au frigo alors qu’on mange des frites. C’est un peu comme une collection de figurines Star Wars qu’on laisse sous blister. C’est un peu comme avoir un truc, savoir que, potentiellement, on peut s’en servir mais que… c’est déjà pas mal, après tout, non ?

Pierre Closus, célèbre HP. Le corps enseignant lui prédisait une belle carrière dans la recherche en physique quantique mais il est surtout connu pour son incroyable talent pour le tricot bavarois.

Qui est-il ? D’où vient-il ? Formidable bobo des temps nouveaux ?

Mais qui est cet HP ? D’où vient-il ? Est-ce le même que l’on appelait « surdoué » autrefois, ou génie, chaman, magicien ? Non, rien de tout ça ! Il est celui qu’autrefois on appelait « norme » mais aujourd’hui, un fossé s’est creusé. Le crétinisme s’est rependu dans de nombreuses cervelles spongieuses, célébrant l’avènement de l’idiocracie (oui, oui, comme dans le film).

En une vingtaine d’années, tout s’était rapidement dégradé. Une limace au fond de l’œil de chaque habitant béant brandissant l’étendard de la zootropie. L’animal règne en maître et y ressembler est devenu l’objectif de millions de jeunes êtres perdus, sans guides, sans fard et sans paupières de porc, en quête d’histoires secrètes et artificielles.

Leurs héros ont des prénoms d’américains de banlieue ardéchoise. Leurs accents chantent tel des grillons dans un fast-food de centre commercial du nord de Lille. Ils sont beaux comme des Apollons, elles sont belles comme des Aphrodites. Mais en plastique, vendus par correspondance par les éditions Atlas : un dieu grec par mois. Le premier à 5€. Pour tout abonnement, le numéro 2 avec le numéro 3 gratuit et en cadeau : un authentoc mug en terre cuite de l’époque hellénistique, toi, le poireau.

les-vrais

Oeuvre d’une artiste-philosophe liégeoise bien connue des autorités. Aussi célèbre pour ses splendides choucroutes melba au fromage de Dijon.

Ces nouveaux standards dictés par ces nouvelles divinités cathodiques ont contaminé toutes les strates de la société jusqu’à la politique qui n’est finalement ni plus ni moins que le reflet de ses votants. Pour Flamby, tapez un. Et si tu te Trump, tapez sur une minorité. Dieu vous le rendra. Le décor est planté mais mieux vaut ça que l’I-Phone que tu as payé une fortune.

Un dîner d’air conditionné

Et les HP dans tout ça ? Perdus parmi leurs plus ou moins égaux  qui chassent les illégaux de tous acabits, ils peinent à exister. Ils se pétrissent la pâte molle de doutes de toutes sortes. Ils se tartinent l’olive de médiocrité pour passer inaperçus mais comme le costume glisse, ils sont vite repérés. Et là, les quolibets de tous poils et de toutes plumes surgissent du bois maudit en ces termes outranciers : « intello » et « geek ». Injures, brimades, harcèlements à l’école, sur les réseaux au physique très virtuel.

Souvent considérés comme des extraterrestres car passionnés par la vie, pour commencer. Souvent distraits et l’air affable. Il n’en faut pas moins pour qu’ils soient relégués au même plan que François Pignon ou d’autres personnages chers aux comédies de Francis Veber. Ils sont donc entravés par la stupidité de la masse et se voient comme des inadaptés. Ils souffrent de leur différence, leur don est devenu une malédiction. J’avais aussi envie de vous parler de ce mot parfaitement hors sujet : c’est péremptoire car ça sonne pas mal et ça fait intelligent. Voilà qui est fait.

Homo donatus, mes frères, et atus, mes amis. Généreux le mec !

Une autre théorie laisserait entendre qu’une véritable mutation est en train de se produire. Certes, elle est imperceptible à l’œil dénudé mais il y a comme une odeur de fin du monde qui n’est pas sans rappeler d’autres bouleversements que les plus jeunes d’entre nous ne peuvent pas connaître. On peut aisément imaginer qu’il y a quelque chose de pourri et pas qu’au royaume du Danemark.

C’était il n’y a pas si longtemps de cela. Une pichenette sur le plan de l’Univers. Genre 200.000 ans… L’homo sapiens, ce virus géant, commence à métastaser toute la planète Terre. Aujourd’hui, la maladie est généralisée et beaucoup d’esprits chagrins prédisent son extinction. Oui. D’accord, mais au profit de quelle espèce ?

Et bien, au profit de l’homo donatus, bien évidemment; un humain évolué et sensible, en phase avec son environnement. Un humain qui comprend les enjeux environnementaux, qui fait un tout avec le gazon, qu’il ne tond pas d’ailleurs car, en réalité, un gazon tondu : ça fait désordre. L’ordre des choses c’est que l’herbe pousse, que les lapereaux gambadent avec les gambas et les biches, que les sangliers reniflent quelques lignes de truffes, que les arbres poussent sans phosphate et sans « Oh My God » génétiquement certifiés.

Si l’ordre des choses est le chaos naturel, alors le génie chaotique et déconstruit de ces inadaptés a tout son sens, a toute sa place. Inclus et non conquérant. Et comment ne pas imaginer un monde où ce satané mutant d’homo donatus vivrait parmi les fleurs de la savane africaine, s’accouplant nu, tel une biche avec son cousin l’antilope à rayures de zèbre, élevant leur progéniture dans des habitats groupés en terre cuite de la vraie époque hellénistique, celle là. Pour se déplacer, ils produiraient leur propre énergie avec les faux cils de leurs ancêtres dégénérés. Ils se chaufferaient avec des piles récupérées sur des rasoirs jetables et feraient manger des meubles scandinaves à leurs enfants pour leur apprendre comment c’était moche avant.

Ils se poseraient aussi beaucoup de questions. D’ailleurs, ils s’en posent déjà beaucoup trop. Mais sans forcément trouver potentiellement les réponses. Et ce n’est pas forcément un tort, ma bonne dame. Un scientifique est un chercheur, pas un trouveur. Ce qui compte c’est de chercher. Et pour tous les chemins qui se terminent par une impasse, le prochain chercheur sait qu’il ne faut pas s’y aventurer. L’un d’eux finira par résoudre un des mystères de ce monde. Puis un autre en fera une application pour l’armée du gouvernement de la paix contre la barbarie… Ha… Mais non, ça, c’était avant. Parce que maintenant, l’inutile est devenu indispensable et l’indispensable est devenu contraignant. D’ailleurs, en termes de contrainte, rien ne vous force à me croire ou à me lire. Rien ne vous force à considérer qu’il y a un quelconque intérêt à toutes ces divagations car après tout, ici… oui, ici, mon ami de l’Internet… Ici… ce n’est qu’un blog !


 

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